Merci beaucoup
Donc comme promis, en voici un nouveau, différent cette fois. C'est un exercice qui m'a été donnée par une personne qui aide les nouveaux écrivains en leur donnant des conseils.
Consigne : le logorallye avec 7 mots (vert - Afrique - devin - déchu - crabe - crue - géranium) a intégrer dans un texte d'environ 650 mots.
L'étoile
« L’homme est aveugle ». C’est ce qu’elle m’a dit le jour où je l’ai rencontrée. Cette remarque
crue m’avait paru tellement insensée que je n’avais pas essayé de la comprendre.
J’étais alors âgé de dix-sept ans. J’étais né en
Afrique et j’avais appris à appréhender ce qui m’entourait. Mais à ce moment-là, je ne savais pas.
Un jour, je m’en étais allé, souhaitant découvrir d’autres horizons. C’était seulement le rêve d’un enfant contemplant un ciel immense, se demandant si un beau jour, il pourrait attraper une étoile. J’avais fait mon choix.
C’est la nuit qui suivit que je l’ai rencontrée. Après m’être désaltéré à l’eau d’une rivière, j’avais levé la tête et elle était là. Les pieds dans l’onde, elle demeurait assise sur la rive en amont. Je m’étais approché pour pouvoir distinguer son visage, mais je n’en fus pas capable. Ses yeux étaient cachés par un ruban qui recouvrait la moitié de sa figure. Sans faire de bruit, je m’étais assis à ses côtés en la détaillant.
Elle ne semblait pas d’ici. Sa peau pâle était différente de la mienne. Elle paraissait si fragile. Enveloppée dans une fine étoffe aux plis innombrables, elle gardait la tête penchée au-dessus du cours d’eau comme si elle était capable de le voir.
Sur sa nuque, il y avait une sorte de marque. C’était un
crabe. Comme une tache de naissance, il faisait ressortir sa peau blanche. Qui était-elle ? Et d’où venait-elle ?
En silence, j’observais les
géraniums brodés sur le tissu qu’elle serrait contre elle. Avait-elle froid ? Ce n’était pas possible ! Dans mon pays, il faisait toujours chaud et aujourd’hui encore, le soleil brillait haut dans le ciel.
C’est là que je fis attention à ce qu’elle faisait. Elle… elle dessinait !
– Est-ce que c’est beau ?
Sa question fut si soudaine qu’elle me fit sursauter. Comment avait-elle pu savoir que j’étais là ?
– Oui…
Comment aurais-je pu dire le contraire ? Jamais je n’avais vu quelque chose comme ça ! Je savais que cette fille était différente, mais à ce point !
Ses dessins s’animaient, ils étaient comme créés par cette inconnue. Dans la rivière, nageaient des poissons qu’elle venait d’esquisser et des oiseaux s’envolaient à peine avait-elle fini de leur donner des ailes.
– Mais qui es-tu ?
Pourquoi avais-je posé cette question ? Tout cela était trop étrange pour être réel, mais j’avais beau essayer de me vider l’esprit, je n’y arrivais pas.
– Pourquoi les hommes veulent-ils toujours nommer les choses ? Pourquoi le papillon s’appelle ainsi, pourquoi…
– Je veux juste savoir !
– J’ai été envoyée ici pour créer. C’est d’ailleurs à cause d’un nom que j’ai été
déchue, avait-elle laissé échapper.
– Comment ça ?
– Tu es l’un des rares à me voir. Tu as bu cette eau, n’est-ce pas ?
– Oui, mais je ne comprends pas, tu ne réponds pas à mes questions.
– Le premier que j’ai rencontré était le
devin d’une tribu lointaine et il m’a demandé la même chose que toi.
– Et que lui as-tu répondu ?
Elle était vraiment étrange. Elle passait son temps à tourner autour du pot. Quand me donnerait-elle enfin des réponses concrètes ?
– Ferme les yeux. Ressens tout autour de toi. Écoute et respire. Un oiseau vient de s’envoler, imagine que tu es cet oiseau. Que vois-tu ?
– Rien, laissais-je échapper en un murmure.
– L’homme est aveugle…
Mon cœur se serra, qu’étais-je sensé voir ? En rouvrant les yeux, je soupirais.
– Je vais te montrer ce que personne n’a jamais vu.
Puis elle s’approcha de moi et dénoua le ruban qui cachait son visage. Lorsque le morceau de tissu tomba, je pus voir ses yeux. Bleus comme la plus profonde des mers aux reflets
verts, je me perdis bien vite dans la contemplation de ce qui était, je crois, tout ce que je me souvenais maintenant d’avoir vu lorsque j’étais enfant dans l’immensité de ce ciel étoilé. J’en avais enfin attrapé une !
FIN